Parution du rapport "Marseille : de la crise du logement à une crise humanitaire"

Le Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées a rendu public ce 21 novembre son rapport Marseille : de la crise du logement à la crise humanitaire. Ce rapport est le fruit d’un travail débuté en mars 2019. Les membres du HCLPD se sont rendus à plusieurs reprises sur place afin de rencontrer les personnes délogées, les Institutions, des universitaires, les associations, les collectifs citoyens, les habitants (25 auditions). Du fait d’un manque d’accessibilité des données, ce travail a été réalisé en coopération avec une équipe de l’Université d’Aix-Marseille travaillant sur les inégalités territoriales. Suite à sa parution, la société d’économie mixte de la ville de Marseille, Marseille Habitat, propriétaire de l’immeuble effondré du 63 rue d’Aubagne, a souhaité faire parvenir une note que vous retrouverez ci-dessous.

Malgré des alertes données de toute part depuis de nombreuses années, les acteurs publics n’ont jamais mis en œuvre une politique permettant de traiter les 40 000 logements indignes et d’assurer le droit au logement des 100 000 personnes y habitant.

“En effet, les effondrements rue d’Aubagne ne relèvent pas de fait divers accidentels et imprévisibles. Le drame intervenu résulte d’une continuité de défaillance systémique des dispositifs et des acteurs publics. Avec plus de 3000 personnes délogées en un an selon les recensements officiels, à Marseille, la crise du logement est devenue une crise humanitaire.” explique Marie-Arlette Carlotti. Les causes sont multiples :

-  Une faible production de logement social correspondant aux revenus des ménages
Avec seulement 16% de logements très sociaux produit entre 2014 et 2016, la ville de Marseille aurait pu être proposée par le Préfet comme commune carencée SRU ;

-  Du logement social ne bénéficiant pas aux ménages vivant dans l’habitat indigne
Dans les Bouches-du-Rhône, environ 2500 attributions par an de logements sociaux prévues par la loi pour les publics prioritaires (dont relevant de l’habitat de indigne) manquent ;

-  Un droit au logement opposable entravé pour les habitants de l’habitat indigne
En 2018, 1 514 recours DALO ont été déposés sur l’un des deux critères se rapportant à l’habitat indigne, seulement 20 % ont été reconnus prioritaires. Alors que l’ensemble de la chaîne de traitement de l’habitat indigne était défaillante, la Commission de Médiation des Bouches-du-Rhône a systématiquement refusé depuis des années les dossiers lorsque d’autres acteurs (propriétaires, Collectivités, Etat) n’avait pas assumé leurs prérogatives, sanctionnant ainsi les ménages pour une situation dont ils n’étaient pas responsables.

-  Des signalements d’habitat indigne ne faisant l’objet d’aucun traitement
Plus de 1400 signalements réalisés étaient en attente avant les effondrements de la rue d’Aubagne. Sur 40 000 logements indignes, seulement 57 arrêtés de péril ont été pris par la Mairie en 2017 et 1 arrêté d’insalubrité en 2018. En cas de telle défaillance d’un acteur, le Préfet dispose d’un pouvoir de substitution qu’il n’a jamais employé.

-  Une gestion chaotique de la crise
La prise de conscience tardive de l’ampleur de la crise ont entraîné l’évacuation de plus de 3000 personnes, plus ou moins chaotiquement. Selon la MOUS, 678 ménages sont encore hébergés en attente de retour dans leur logement ou d’une attribution d’un logement social.

Face à ce constat le HCLPD propose 20 préconisations pour que jamais un tel drame ne se reproduise dont :

Respecter les textes en vigueur (loi SRU) sur la production de logements sociaux :
● Réaliser un minimum de 30 % de logements très sociaux (PLAI) dans la production totale de logements sociaux conformément à la loi SRU et augmenter la production dans les quartiers centraux à 50% de PLAI pour rattrapage ;

Respecter les textes en vigueur en matière d’attributions de logements sociaux :
● Programmer en 2020 un contrôle par l’Agence nationale de contrôle du logement social des bailleurs sociaux intervenant dans les Bouches-du-Rhône, ciblé sur le respect des obligations d’attributions des logements sociaux aux publics prioritaires et reconnus au titre du DALO ;

Respecter les textes en matière de gouvernance du traitement de l’habitat indigne :
● Transférer de plein droit les pouvoirs de police municipaux en matière de sécurité et de salubrité de l’habitat à la Métropole d’Aix-Marseille-Provence ;
● Organiser la substitution du Préfet à la municipalité chaque fois qu’elle est défaillante sur la question du péril ou de l’insalubrité ;
● Programmer en 2020 un contrôle des services déconcentrés de l’Etat par les inspections ministérielles ;
● Lutter contre les marchands de sommeil en ajoutant aux peines les sanctionnant une peine complémentaire ou obligatoire d’inéligibilité ;
Mener une politique de repérage de grande ampleur et de suivi de l’habitat indigne :
● Mettre en place un Observatoire de l’habitat indigne ;
● Mettre en place et appliquer un plan d’urgence de réhabilitation ;
● Mettre en place un parc de logements relais pour les personnes qui sortent de logements indignes, à proximité des secteurs évacués ;
Favoriser le maintien et la création d’une offre de logements privés accessibles et décents :
● Mettre en place l’encadrement des loyers sur la Ville de Marseille ;
● Favoriser la production d’une offre d’accession sociale à la propriété dans le centre ville pour les propriétaires occupants délogés via des organismes fonciers solidaires ;

S’engager dans une co-gestion de l’aménagement de Marseille avec les collectifs, associations et conseil citoyens :
● Mettre en place un atelier populaire d’urbanisme et proposer sa gestion aux conseils citoyens, associations et collectifs afin de de soutenir la participation des marseillais.ses au suivi des politiques d’aménagements (logement, urbanisme ou encore accompagnement social) ;
● Intégrer une représentation de la société civile et plus particulièrement de l’atelier, à la gouvernance de toutes les instances en charge de l’habitat ;

Créer une offre de logements abordables dans le cadre de la réhabilitation du centre ancien contrant le risque de gentrification et garantissant le droit au retour des délogé.e.s :
● Flécher obligatoirement toutes les acquisitions, préemptions et confiscations réalisées dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne vers du logement social ;
● Assurer que l’offre de logements créés ou réhabilités dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne corresponde aux compositions familiales et aux revenus des ménages délogés.

Beaucoup de ces propositions sont résumables par respecter le cadre légal. En effet, “il faut sortir Marseille de la zone de non-droit” assume Marie-Arlette Carlotti. “Il est impératif de s’appuyer sur l’expertise de la société civile, s’étant construite et affirmée face à l’incurie publique” affirme Marie-Arlette Carlotti, présidente du Haut Comité.

“Nous devons créer un atelier populaire d’urbanisme et proposer sa gestion aux associations et collectifs pour assurer le suivi de la politique publique et réaliser leur projet de ville. Nous entendons sans cesse que la concertation doit avoir lieu avec les habitant.e.s, allons plus loin : profitons de cette opportunité pour mettre en oeuvre une co-gestion de la politique de logement et d’aménagement de la ville de Marseille”.

RETROUVEZ LE RAPPORT COMPLET :

LA SYNTHÈSE DU RAPPORT : La réaction de Marseille Habitat, SEM de la ville de Marseille :

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