L’économie solidaire, un partenariat entre la Nation et ses forces vives

Si la science sans conscience n’est que ruine de l’âme, suivant l’expression de Rabelais, l’économie, sans attention au fragile, est ce même péril pour rendre impossible la cohésion sociale. Fort heureusement, des consciences éclairées ont mis en œuvre une économie nouvelle, dite aussi positive, via la finance solidaire.

Le moteur de cette économie en est l’épargne dont la mobilisation ne relève pas de la recherche de profits mais de sa capacité à créer des conditions de vie singulièrement améliorées à l’égard des oubliés de la société qui, perdant toute estime d’eux-mêmes, pensent qu’ils ne sont rien pour n’avoir rien.

Tous ces « rien » concourent au désespoir. Là intervient l’économie solidaire au service du prendre-soin des plus vulnérables mettant, notamment et pas seulement, hors-jeu l’indécence d’un toit focalisant la pauvreté, cet assassin de l’avenir.

D’aucuns ont pu penser que cette épargne solidaire resterait une utopie, ce qu’elle n’est plus pour représenter aujourd’hui 26,3 Md€ fin 2022. Certes, ces capitaux sont encore modestes mais, jusqu’à ce jour, ils n’ont cessé de progresser. Cette économie suscite de l’estime et de l’intérêt auprès d’un public averti sur les questions sociales, jugeant que l’enjeu n’est pas de renverser la table, mais d’inviter à la table ceux qui n’en reçoivent que les miettes.

Cette épargne n’est pas indifférente au puissant vecteur que représente l’épargne salariale solidaire 58 %, soit 15,2 M€ de ce bouclier, mettant en recul la pauvreté.

Que d’associations n’auraient jamais pu proposer, via leurs foncières solidaires, des logements à caractère d’insertion dans des quartiers socialement équilibrés sans cette épargne reçue de ceux qui ont fait le choix d’investir – et ce mot ici est important – dans des programmes qui construisent un inattendu pour les plus fragiles, par-là même, leur offrant des conditions de vie nouvelle.

Au regard des ressources des personnes fragilisées, les constructions proposées ne peuvent pas avoir de rentabilité financière. Alors quel en est le sens ? Non pas un pari, mais un investissement social majeur à partir duquel un « autrement » s’opère. Tout commence, recommence, pour ceux-là mêmes perdus dans l’océan de misère.

Il est juste que la Nation soit partie prenante de cette économie solidaire en apportant aux épargnants une aide aux aidants que sont les acteurs de cette épargne qui la placent sur 7 à 10 années, parfois plus, sans recevoir de dividendes.

Aussi, la prolongation du taux bonifié de l’IR PME ESUS relève d’une équité bien comprise pour développer une épargne qui s’impose, face à la hausse des taux d’intérêts, l’explosion des coûts de construction et de la montée vertigineuse des charges foncières dans les Métropoles, mettant à mal la valeur de la mixité sociale qui, seule, lézarde ces murs derrière lesquels les plus pauvres sont assignés.

Une observation mérite, me semble-t-il, d’être soulignée, concernant le taux d’intérêt du Livret A porté à 3%. Cette rémunération a entraîné un accroissement de son encours, plus de 41,41 Md€ avec le livret de Développement Durable et Solidaire facilitant le logement social.

Seulement, avant de recueillir ce prêt, encore convient-il de mobiliser les fonds propres pour l’équilibre des opérations rendues désormais plus difficiles dans un contexte économique confronté à la multiplicité des hausses évoquées.

Sans cette épargne solidaire créatrice de ces fonds propres, nombre de programmes resteraient sans lendemain, aggravant une dure situation sociale dont la détente est liée à ce réveil de la conscience d’un investissement orienté vers les autres que soi-même.

Quand le placement s’ouvre vers de telles perspectives, notre société est « habitée » par une humanité qui l’honore, conférant à son avenir la richesse du partage.

Bernard Devert
Octobre 2023

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