Le logement à l’aune de la Nation

Le logement, un marché impossible ! Il abrite et concentre les difficultés que rien ne semble pouvoir déloger, alors qu’elles nécrosent gravement la cohésion sociale.

Les décennies se sont écoulées au cours desquelles de grands serviteurs de l’Etat se sont pourtant investis avec passion dans le champ de l’aménagement des territoires, des politiques sociales aux fins d’atténuer la rigueur de ce mal-logement. Ils ont trouvé un soutien avec l’Abbé Pierre, un prophète, dont nous célébrerons dans quelques jours le 70ème anniversaire de son Appel : « au secours mes amis ».

Il sut élever le ton et hausser les consciences.

Il y eut un mieux. Nombre de bidonvilles furent démantelés jusque dans les années 1990 ; ils rejaillissent, soulignant combien la crise s’est accentuée. Il serait injuste de dire que rien n’a été fait, d’autant que le Gouvernement a fait un effort important pour l’hébergement qui offre désormais plus de 200 000 places.

Le mal-logement relève d’une crise morale et spirituelle. Difficile de ne pas voir le nombre des errants qui n’ont pour lit que le trottoir ou l’indécence d’un abri ; difficile ne pas entendre, le cri des pauvres, rappelant qu’ils sont méprisés, bafoués dans leurs droits, alors que l’un des premiers d’entre eux est de disposer d’un toit.

Cette attente est inacceptable, d’autant que des centaines de milliers de logements sont vacants dans les Métropoles.

Une injustice flagrante, finalement tolérée, au point de ne susciter aucune colère, des mots vite oubliés, n’imprimant plus ou peu, tant l’opinion s’est habituée à l’iniquité qui trouble peu les consciences.

Les déterminismes sociaux créent de telles barrières que les destins se jouent dès la naissance, banalisant de cruels abîmes. D’aucuns tentent de les réduire dans cette approche du « faire-ensemble » pour un « vivre-ensemble ». L’expression parle-t-elle encore, observant combien elle est dévaluée, quasiment un songe qui, à l’épreuve du réel, se présente comme un mensonge.

Or, ce « vivre-ensemble » est la définition même de la Nation, vouloir faire ensemble de grandes choses.

La France n’est pas une société à responsabilité limitée ou anonyme, elle est une Nation, née d’une histoire faite d’héroïsme, de générosité, de graves crises traversées par le jaillissement de l’intelligence et du cœur.

Seulement, l’idée de Nation ne vibre que là où ses valeurs Républicaines sont en cohérence, jusqu’à s’interpeller pour faire naître l’unité du corps social.

Ce corps en rupture est en souffrance. Qui s’émeut de ces quartiers dits perdus pour la République au sein desquels trop deS habitants ont le ressenti d’être à part pour habiter des lieux qu’ils n’ont pas choisis, assignés au motif d’une absence de ressources, ou d’une histoire entravant leur avenir.

Il est vain de porter un jugement sur la naissance de ces quartiers. Ils furent créés en raison d’un important exode rural et de l’afflux d’une main d’œuvre qui a largement contribué aux 30 glorieuses qui le furent moins pour cette population. Les conséquences de cette concentration de ces machines à loger à destination de ces déplacés ont été mal évaluées, mais le pouvaient-elles.

Il s’en est suivi une ghettoïsation de l’espace, mais pas seulement, pour affecter la Nation toute entière. Quelle sera-t-elle demain ? Si le fatalisme l’emporte, c’est l’espoir d’une transformation sociale qui sera obérée et par là-même la pertinence de la Nation qui régressera et, avec elle, le durcissement des replis sur soi, aussi amères que délétères.

L’heure est de faire surgir de nouveaux possibles s’articulant sur l’acte de construire pris comme un acte du soin et du prendre-soin. J’ose cette comparaison, espérant qu’elle ne me sera pas reprochée. Il y a près de 5 ans, Notre-Dame brûlait. Une mobilisation, sans pareil, est intervenue en termes humains, financiers au-delà même de ce qui était attendu.

Si aujourd’hui, nous avions l’audace de regarder chaque être comme une « cathédrale », quelle lumière il s’ensuivrait pour la Nation d’avoir pris la décision de construire et de réhabiliter des villes humanisées pour un « vivre ensemble ».

Et si nous rejoignons ce rêve pour nous laisser emporter par cet infini qui habite la Nation.
Bernard Devert
Janvier 2024

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