Questions à propos du DALO

Le texte ci-dessous reprend les principales questions entendues par les membres du Haut comité à propos du DALO.

A quoi cela sert-il de faire un recours s’il n’y a pas assez de logements sociaux disponibles sur le contingent du préfet ?

Dès lors que la situation du demandeur sera reconnue par la commission de médiation comme prioritaire et devant être satisfaite d’urgence, le DALO va donner à l’État une obligation de résultat pour son relogement.

Bien sûr, le préfet va d’abord s’appuyer sur son contingent de réservation dans le parc social, mais son obligation de résultat ne s’arrête pas aux limites de ce contingent. Le préfet doit user de tous les moyens à sa disposition. Il peut notamment :

  • faire appliquer par tous les réservataires de logements sociaux les critères de priorité sociale qui figurent dans le code de la construction (article L.441-1) ;
  • prévenir les expulsions ; il peut s’appuyer sur des commissions de prévention des expulsions ; il s’agit d’abord d’éviter les jugements d’expulsion en apportant les conseils nécessaires aux ménages de bonne foi en difficulté et en les orientant vers les dispositifs d’aide susceptibles de répondre à leur situation (fonds de solidarité logement, commission de surendettement…) ; il peut s’agir le cas échéant de proposer au bailleur de signer un bail avec une association ou un organisme tiers qui prendra l’occupant en sous-location ;
  • traiter les situations d’habitat indigne par la réalisation de travaux : le relogement dans le parc social doit être évité chaque fois que possible ; il existe un arsenal juridique qui permet de contraindre un propriétaire à réaliser des travaux de sortie d’insalubrité ou le cas échéant d’assurer lui-même le relogement du ménage ;
  • missionner des opérateurs pour démarcher les propriétaires privés pour rechercher des logements qui pourraient être mobilisés en faveur des ménages désignés par les commissions de médiation ; différentes formules peuvent être proposées aux propriétaires : le conventionnement social ou très social avec les aides fiscales et les subventions de l’ANAH correspondantes et le cas échéant la garantie des risques locatifs, la location à des organismes pratiquant la sous-location, la médiation par une agence immobilière à vocation sociale…

Bien évidemment, il s’agira pour les préfets également de promouvoir une politique de production de logements à la hauteur des besoins. Pour cela, ils devront s’assurer de la mobilisation des collectivités territoriales.

Comment l’État peut-il mettre en œuvre le DALO alors que la décision de construire est entre les mains des collectivités locales ?

Beaucoup de compétences qui sont essentielles pour la mise en œuvre du droit au logement sont effectivement détenues par des collectivités territoriales : l’urbanisme et l’action foncière sont entre les mains des communes, les politiques de l’habitat sont de plus en plus souvent pilotées au niveau intercommunal, l’action sociale relève des Conseils généraux, lesquels co-pilotent avec l’État les plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées. Depuis 2004, la gestion des aides de l’État peut être déléguée aux intercommunalités et aux départements. Il y a là des évolutions logiques car si le logement fait appel à une solidarité qui doit s’exercer au niveau national, il renvoie aussi à des besoins locaux, qui s’inscrivent dans des marchés territorialisés.

Dans ce contexte, il appartient maintenant à l’État de s’assurer de la mobilisation des différentes collectivités, chacune dans le cadre de ses compétences propres, pour permettre la production des logements et la mise en œuvre des dispositifs sociaux nécessaires pour assurer le droit au logement. L’État n’est pas dépourvu d’outils. Il peut par exemple se substituer à une commune défaillante dans la mise en œuvre de l’article 55 de la loi SRU (les 20% de logements sociaux) ou réaliser des opérations d’intérêt national.

Cependant s’il s’avérait que l’ensemble des outils actuellement à la disposition des préfets ne suffisaient pas à permettre l’accès effectif au logement de l’ensemble des ménages désignés par les commissions de médiation, il appartiendrait au Gouvernement et au législateur d’intervenir pour compléter la boîte à outils. Le Haut comité a proposé de créer une procédure d’exception qui permettrait au préfet de disposer de pouvoirs renforcés pour permettre la réalisation des places d’hébergement ou des logements sociaux nécessités par la mise en œuvre du DALO.

Les commissions de médiation peuvent-elles désigner des ménages comme prioritaires si elles savent qu’il n’y a pas assez de logements pour les satisfaire ?

La commission de médiation n’a pas à prendre en considération une éventuelle situation de pénurie de logements. Son rôle est de désigner les ménages dont la demande doit être considérée comme prioritaire et à satisfaire d’urgence. Elle le fait en examinant la réalité de la situation du demandeur au regard des critères qui ont été définis dans la loi. Elle peut discuter la bonne foi du demandeur, notamment en s’assurant qu’il a bien effectué préalablement toutes les démarches que sa situation nécessitait. Par contre elle n’a pas à rejeter une demande au motif d’un manque de logement, pas plus qu’il ne lui appartient d’établir une hiérarchie entre les demandeurs qu’elle désigne.

C’est le principe même du droit opposable : le droit reconnu au citoyen fait obligation à la collectivité d’agir pour le satisfaire. Elle ne peut pas se retrancher derrière l’insuffisance de l’offre mais doit au contraire ajuster l’offre aux besoins.

Le droit au logement ne risque-t-il pas de se résumer à un droit à l’hébergement ?

La loi ouvre à la fois une voie de recours pour les demandeurs de logement et une voie de recours pour les demandeurs d’hébergement. La commission de médiation peut éventuellement réorienter un demandeur de logement vers une offre d’hébergement. Mais elle ne peut le faire que dans la mesure où la situation du demandeur fait qu’un passage par un hébergement social s’avère pertinent. Elle ne doit pas orienter vers l’hébergement faute de disponibilités suffisantes en logement.

Par ailleurs les ménages qui sont en hébergement peuvent faire recours pour accéder à un logement. Le décret du 28 novembre 2007 a fixé à 6 mois le délai au-delà duquel ils devraient être désignés comme prioritaires pour un logement par les commissions d’hébergement. La commission peut cependant considérer qu’une prolongation de l’hébergement est préférable, mais elle ne peut le faire, là encore, qu’en raison des caractéristiques du demandeur et non pour un manque de logement.

En quoi le fait que l’État puisse être condamné va-t-il améliorer le sort de la personne mal logée ?

En condamnant l’État, le juge va faire injonction au préfet de loger le ménage requérant. Il pourra assortir sa décision d’une astreinte à verser par l’État à un fonds finançant le logement social. Le poids d’une telle condamnation devrait produire des effets vertueux car il sera préférable pour l’État d’affecter en amont les moyens nécessaires plutôt que de le faire après condamnation.

Au-delà de cet aspect pécuniaire, la condamnation de l’État doit également avoir un impact politique. Elle porte mise en cause du préfet et de l’action gouvernementale.

Les critères fixés par le décret du 28 novembre 2007 pour permettre aux demandeurs d’être désignés comme prioritaires et urgents ne sont-ils pas trop restrictifs ?

Certains critères peuvent paraître restrictifs. C’est le cas par exemple des critères qui permettent de faire recours au titre d’une situation de surpeuplement manifeste : un couple avec 2 enfants ne sera considéré comme relevant d’une telle situation que s’il occupe un logement d’une surface inférieure à 34 m². Il convient cependant d’observer :

  1. que ces critères concernent aujourd’hui un nombre très important de ménages dans les zones tendues, et qu’apporter une réponse à ces situations constitue déjà un défi considérable pour la puissance publique ;
  2. que le décret du 28 novembre 2007 autorise la commission de médiation, par une décision spécialement motivée, à retenir comme prioritaires des personnes qui ne remplissent que partiellement les critères, dès lors que leur situation particulière le justifie ;
  3. que ces critères pourront être élargis ultérieurement ; la démarche adoptée pour la mise en œuvre du DALO consiste à commencer par traiter les situations les plus dramatiques.

La mise en œuvre du DALO ne va-t-elle pas renforcer les inégalités territoriales ?

L’offre de logements locatifs sociaux existante est aujourd’hui très inégalement répartie entre les communes et entre les quartiers. Au sein de cette offre, les logements aux loyers les plus abordables sont souvent concentrés dans certains quartiers. Le risque est donc réel, à court terme, de renforcer les inégalités territoriales. Pour se prémunir de ce risque il convient de travailler dans 3 directions :

  • répartir les attributions pour les ménages en difficulté sur l’ensemble du parc Hlm et non uniquement sur certains groupes ; ceci pourra nécessiter une révision de la politique des loyers ;
  • mobiliser des logements privés dans le cadre du conventionnement, c’est-à-dire en négociant avec des propriétaires des engagements sur le loyer et l’attribution à des ménages prioritaires en échange de garanties et d’aides ;
  • développer la production de logements locatifs sociaux de façon plus équilibrée ; il convient en particulier que l’État use de ses pouvoirs pour réaliser les logements sociaux sur le territoire des communes qui ne respectent pas l’obligation des 20%.

Le DALO ne va-t-il pas s’exercer au détriment des autres demandeurs de logements sociaux ?

La priorité accordée aux ménages qui sont dans les situations les plus dramatiques peut retarder la satisfaction d’autres demandes qui, pour être moins urgentes, n’en sont pas moins légitimes. C’est pour cela que le législateur a également ouvert la possibilité d’un recours à des ménages qui ne sont pas non logés ou mal logés, mais dont la demande a atteint un délai qui peut être considéré comme anormalement long. Pour l’instant, seul le recours amiable est ouvert à ces ménages. Le recours au tribunal administratif leur sera ouvert à partir du 1er janvier 2012. D’ici là, il convient que dans chaque département et chaque agglomération, aient été développées des politiques du logement permettant de rapprocher l’offre de la demande.

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