Sans toit, il n’y a pas de soi

L’acte d’habiter ne se réduit pas au fait d’être logé, il est une des conditions pour exister. Là où il n’y a pas de lieu, il n’y a pas de lien ; en d’autres termes, rien ne peut avoir lieu.

Tant que l’acte de construire ne sera pas interrogé par la spiritualité, les plus vulnérables resteront en situation d’attente d’un toit ou devront se contenter d’un abri.

Or, le drame du mal logement non seulement demeure, mais s’aggrave.

L’habitat des plus fragiles est corrélé au marché qui se voit imposer, non sans pertinence, de réaliser 30% de logements sociaux sur une opération de construction. Le transfert de la part du prix insupporté dans le cadre du financement social suscite une augmentation très sensible du coût des autres logements.

La conséquence est que les classes moyennes sont souvent contraintes, notamment dans les grandes métropoles, à rechercher un habitat…plus loin.

Aussi, convient-il d’introduire un correctif afin de ne pas faire le lit d’injustices criantes à l’égard de ceux qui ont déjà le sentiment que, peu aidés, il leur faut supporter beaucoup.

Une réflexion sur le foncier s’impose ; il ne peut se présenter comme une rente si nous voulons éviter ces iniquités qui créent des abîmes.

Qui peut contester que les investissements de l’Etat et des Collectivités Locales (transports en commun, espaces culturels, sportifs) entraînent une explosion du prix du foncier, d’où des plus-values excessives qui devraient être taxées et fléchées vers le financement du logement intermédiaire et très social.

La liberté du marché doit avoir une limite, celle du bien commun qui, déserté, brûle la cohésion sociale.

Cette liberté devrait s’arrêter là où les plus fragiles sont emportés vers des abîmes – la rue – ou condamnés à n’avoir pas d’autre choix que d’accepter le logement proposé alors que des centaines de milliers sont inoccupés.

Un serpent de mer, la vacance, diront certains. A taire le mépris de ces autres qui n’ont rien, notre société se prépare à des lendemains violents.

Où sont nos valeurs républicaines quand la fraternité se heurte à un patrimoine ‘dormant’. Quelle liberté quand est enlevée la liberté d’avoir un toit. Quelle égalité quand les liens sociaux sont si délabrés.

Sur ce drame tout a été dit, mais tout n’a pas été fait.

Alors que faire. Une imposition s’impose à compter de la deuxième année d’inoccupation, le produit de cette taxe venant subventionner le logement très social (PLAI – PLUS).

Le livret A et le livret du Développement Durable et Solidaire retrouvent la faveur des épargnants de par la remontée des taux de 0,5% à 3%, ce qui ne facilite pas la construction du logement social. La capitalisation de ces deux véhicules de placement est de plus de 500 Mds d’euros. Il n’y a pas lieu de pleurer cette capacité financière mais de l’investir pour réduire la pauvreté qu’entraîne la charge du logement pour les plus fragiles.

Refuser la misère, ce n’est pas l’observer, c’est la combattre.

Refuser, c’est faire bouger des lignes pour ne point accepter l’injustice dans laquelle les plus pauvres sont enfermés. Il ne s’agit pas d’être des justiciers ou des donneurs de leçons, mais de prendre le risque de rencontrer les ‘survivants’ d’une Société, en se laissant surprendre par leur capacité à ne point désespérer.

Refuser la misère, c’est rappeler à temps et à contretemps qu’oublier la dignité de la personne, est le plus sûr moyen pour une Société de se perdre.

Refuser la misère, c’est dire ‘non’ au malheur en luttant pour que surgisse ce bien commun.

Que faire ? Quitter le goût du chaos dont témoigne la résistance si ‘molle’ à la misère afin de devenir les passeurs d’une civilisation au sein de laquelle l’oubli du plus miséreux deviendrait délit de non-assistance à personne en danger. Qui peut s’opposer à une telle approche.

Le drame du mal-logement n’est-il pas le drame de tous pour dédramatiser la situation des plus pauvres. L’heure est vraiment de s’interroger comme le Petit Prince : que veut dire apprivoiser. Il s’entend dire créer des liens.

Bâtir des liens, telle est bien l’urgence ; il donnera à l’acte de construire tout son sens qui ne saurait être dissocié du sens de l’autre, du plus fragile.

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