Encadrement des loyers limité à Paris et à Lille : le Conseil d’Etat annule la restriction du gouvernement

L’encadrement des loyers n’a pas à se limiter à Paris et Lille, a jugé jeudi 16 mars le Conseil d’Etat, annulant ainsi une décision du gouvernement Valls. Cet encadrement, prévu depuis mars 2014 par la loi sur l’amélioration pour l’accès au logement (ALUR) portée par l’ancienne ministre du logement Cécile Duflot, devait à l’origine être appliqué dans 1 151 communes de 28 agglomérations, identifiées comme des zones tendues, où la demande de logements est supérieure à l’offre.

Mais les 29 et 31 août 2014, Manuel Valls avait annoncé le restreindre « à titre expérimental » à la capitale et à Lille, compte tenu des difficultés de sa mise en œuvre. C’est donc cette restriction qu’a annulée le Conseil d’Etat, car la loi ne la prévoit tout simplement pas. Pour l’ancien premier ministre, cette décision est un désaveu, alors que lui-même avait désavoué Mme Duflot en limitant sa mesure phare. En revanche, pour Julien Bayou, porte-parole du parti Europe Ecologie-Les Verts et président de Bail à part, l’association ayant déposé un recours en excès de pouvoir, l’annulation est « une grande victoire » : « Par une simple déclaration, Manuel Valls a fait obstacle à la loi, et a rogné la mesure sociale de ce quinquennat. Des millions de personnes en ont été victimes. »

Dans le détail, la loi ALUR prévoit que le loyer d’un logement ne puisse pas dépasser de 20 % un loyer médian fixé par arrêté préfectoral, ni lui être inférieur de 30 %. Avec la restriction en vigueur jusqu’ici, l’encadrement n’a été mis en place que dans la capitale depuis le 1er août 2015 et à Lille depuis le 1er février 2017.

Pas de bouleversements majeurs à prévoir
Au ministère du logement, on souligne toutefois que l’élargissement de l’application de la loi « est déjà mis en œuvre depuis l’arrivée en fonction d’Emmanuelle Cosse, qui a relancé ce chantier ». La décision du Conseil d’Etat n’entraînera donc pas de bouleversements majeurs. Des agréments pour la mise en place d’un Observatoire des loyers ont déjà été donnés à Rennes et Alençon. Un Observatoire est également en train d’être instauré à Grenoble. Selon le ministère, 25 observatoires seraient déjà en place, qui recevront l’agrément pour recueillir des données sur les loyers dès qu’ils en feront la demande.

Jusqu’à présent, la mise en place de l’encadrement dans les villes ne s’est pas faite sans remous. Les professionnels de l’immobilier y sont en effet réticents. A Lille, par exemple, ils s’y sont opposés d’abord en contestant l’agrément ministériel de l’agence départementale d’information sur le logement (ADIL) du Nord pour être l’observatoire, puis en refusant d’alimenter sa banque de données avec leurs propres chiffres, retardant par là l’application du dispositif. A Paris, une étude publiée en octobre par Consommation logement cadre de vie – une association de consommateurs – révélait par ailleurs qu’un an après l’entrée en application de la loi, près d’un propriétaire bailleur sur deux louait encore trop cher lorsqu’il se dispensait des services d’un agent immobilier.

Afin que la généralisation de l’encadrement des loyers se fasse le plus rapidement possible, M. Bayou a lancé une pétition. « Ce gouvernement a montré qu’il n’y a plus personne lorsqu’il est question de tenir ses engagements. Une mobilisation est donc nécessaire pour que la loi soit appliquée au plus vite », déclare-t-il.
Du côté du ministère, on prévient cependant que l’encadrement des loyers dans les villes concernées prendra du temps. « C’est un processus lourd, qui demande de recueillir beaucoup de données. » Les effets de la loi se feront d’autant plus attendre que le plafonnement n’opère qu’à chaque remise en location des appartements, ou renouvellement de bail.

Richard Duclos
http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/03/16/encadrement-des-loyers-limite-a-paris-et-a-lille-la-decision-du-gouvernement-annulee_5095651_3234.html#dYOQI1l8o6Ccwxtv.99

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